ITW Fabien Versavau – Je serais avant tout le Président de l’optimisme – Et si j’étais Président ?
Place à Fabien Versavau, Président & CEO Rakuten France pour cette 6ème interview de la série « Et si j’étais Président ». Une série réalisée par MC Factory en partenariat avec Stratégies. Fabien Versavau partage sa vision d’une France plus engagée et responsable.
10 questions posées à Fabien Versavau, candidat à la présidentielle 2022
Votre programme
1 – Quels seraient les deux axes majeurs de votre programme ?
Mon premier axe serait la réconciliation du peuple français, avec l’idée de progrès, et avec la passion ou l’intérêt pour la technologie. On a vu récemment, avec la crise sanitaire ou l’arrivée de la 5G, éclater des débats qui illustrent une forme de défiance de certains envers la science. Or, cette irrationalité autour de ce que je résume sous le vocable « progrès ou sciences » est complètement contraire à notre histoire, à notre culture. Donc, si j’étais Président, j’essaierais de travailler à inverser cette tendance. Et à essayer de réconcilier les français avec la tradition des Lumières et la rationalité.
Mon second axe serait de prouver que la transformation de notre économie vers des modalités plus responsables, signifie, non pas un retour en arrière ou un renoncement, mais va permettre, au contraire, d’apporter du mieux. Du mieux-être, du mieux-vivre, du mieux-consommer, et non pas du moins. Nous n’aurions heureusement pas à choisir entre la sauvegarde de la planète et notre mode de vie. Ce serait ainsi le refus de ce renoncement. Tous les discours sur la décroissance constituent juste une défaite de l’imagination. Et encore une fois cela rejoint le premier sujet : la défaite de l’imagination c’est finalement le renoncement au génie humain, et au fait que sa capacité d’invention est sans limite. Si j’étais Président, je ferais donc tout pour redonner tout son plein écho, et sa pleine résonnance à ces valeurs.
2 – Quel serait votre projet pour renforcer le rôle sociétal des entreprises françaises ?
C’est un vaste sujet pour nous, entreprise internationale, avec près de 70 nationalités et un tropisme japonais très fort. Très vite, j’ai eu une proximité forte avec Hiroshi Mikitani, le fondateur de Rakuten. Nous partageons cette vision selon laquelle les entreprises ont forcément un rôle clé à jouer dans les transformations auxquelles fait face la société. Au Japon, les entreprises ont la responsabilité d’avoir un impact positif pour la société. Et c’est cette responsabilité sociétale qu’il faudrait renforcer en France. C’est ce qui permettra de formuler des réponses aux défis et aux enjeux d’aujourd’hui et de demain.
Le rôle sociétal d’une entreprise c’est d’innover au travers du progrès, de la technologie, aussi des décisions managériales. Et que tout cela résonne de manière positive sur l’ensemble de l’écosystème. Il faut donc trouver cet équilibre entre des innovations majeures qui permettent à une économie et à un pays de se transformer. Mais sans créer de cassure. Je pense qu’il faut valoriser cette innovation inclusive et lui redonner plus de sens et d’impact au détriment de la disruption sur laquelle on s’est beaucoup appuyé pour stimuler l’innovation ces dix dernières années.
Montrer que l’innovation ou la technologie sont un moyen de repousser ses propres frontières et de créer de la valeur, et pas pour se substituer ou ringardiser un écosystème déjà en place. Et c’est cela qui, pour moi, peut faire que l’on réussisse à raccrocher sociétalement une société qui doute, qui s’interroge, sur les risques liés aux réseaux, à l’intelligence artificielle, à la data, à la blockchain etc., à toutes ces innovations qui font peur et qui parfois sont présentées comme des menaces parce qu’elles sont employées pour créer de la disruption, de la cassure, plutôt que pour diffuser du progrès. Et pas seulement du progrès économique ou capitalistique, mais aussi du progrès social.
3 – Pourquoi faut-il voter pour Fabien Versavau
Parce que je serais avant tout le Président de l’optimisme. La traduction la plus proche en français du mot japonais « Rakuten » c’est « optimisme ». Une valeur qui a manqué à la France à certains moments de son histoire, y compris lors d’une période récente. Cela fait partie de mes valeurs, de ce qui m’anime au quotidien. C’est un carburant essentiel, je pense, à la vie. Être persuadé qu’il y a toujours des solutions, que l’esprit humain n’a pas de limite, et que l’innovation, la science, le progrès, la communauté des gens qui travaillent, qui s’engagent qui créent, qui inventent, permet de dépasser tous les problèmes. C’est une forme d’esprit entrepreneurial comme on dirait aujourd’hui. Mais pour moi l’optimisme est une valeur cardinale à la réussite de sa vie, autant personnelle que professionnelle.
4 – Quelle personnalité publique choisiriez-vous pour être votre Premier Ministre ?
Il s’agirait de Michèle Obama. Pourquoi ? Parce qu’à mes yeux, elle incarne la force motrice d’un esprit positif. C’est une femme qui m’inspire par sa détermination à être à la fois l’inventrice et l’actrice de la construction de sa vie, à repousser ses limites et à toujours croire en l’avenir. C’est une dynamique essentielle à notre pays. Une énergie qu’il faut que nous parvenions à transmettre aux plus jeunes générations, qui feront le monde de demain.
Avant de quitter votre poste actuel
5 – Quels sont les engagements RSE / ESG pris par votre direction actuelle ?
En tant qu’entreprise de technologie d’origine japonaise, nous sommes très marqués par ces valeurs de responsabilité, de durabilité. Le Japon sert souvent de modèle pour la RSE. Nous sommes donc naturellement impliqués dans ces sujets.
Par exemple, le premier pilier de la mission de Rakuten c’est de faire de la digitalisation inclusive. C’est à dire de proposer d’accompagner les commerçants dans leur digitalisation. Et permettre ainsi à tous les acteurs économiques du commerce de détail de trouver au sein de notre plateforme une inspiration pour se digitaliser, une source de revenus supplémentaire. Mais en aucun cas, un canal qui leur ferait une concurrence dommageable. Nous avons par exemple été les premiers, lors du premier confinement, à lancer un dispositif d’e-commerce pour tous. On y offrait la gratuité à toutes les TPE-PME pour leur permettre d’ouvrir leur boutique digitale sur la plateforme, de bénéficier gratuitement du Clic & Collect. Et tout cela sans abonnement. Nous sommes à ma connaissance, les seuls à proposer cela.
Notre second pilier, c’est la responsabilité de notre modèle d’e-commerce vis-à-vis de nos émissions de carbone et de la décarbonation de notre activité. Grâce à la combinaison de la très forte culture du recyclage au Japon et l’histoire entrepreneuriale de PriceMinister qui était parmi les premières sociétés, en France, à œuvrer pour le développement de la seconde main et de la digitalisation de l’économie circulaire, Rakuten est aujourd’hui l’une des toutes premières plateformes d’e-commerce de seconde main en France.
Nous menons le développement de cette activité depuis plus de dix. In fine, 2 produits sur 3 vendus sur notre plateforme sont des produits de seconde main. Ce qui nous permet de compenser 75 % des émissions de carbone, de dioxyde de carbone, de gaz à effet de serre générées par notre activité de plateforme et de vente de produits neufs. Soit, annuellement, 23 000 tonnes d’équivalents carbone non émis, grâce à notre modèle qui combine neuf et économie circulaire.
Enfin le dernier pilier de notre modèle, c’est le Club Rakuten. Notre programme de fidélité compte 11 millions de membres récompensés en pouvoir d’achat, en monnaie Rakuten. L’année dernière, ce programme s’est enrichit d’un système de fidélisation à vocation « sustain ». Ainsi, le badge Vision‘R est, à ma connaissance, le seul programme de fidélisation en France qui récompense encore plus les consommateurs qui achètent et vendent des produits de seconde main. C’est une façon de valoriser des comportements citoyens responsables, qui contribue à faire grandir la digitalisation et le poids de l’économie circulaire dans le commerce global.
6 – Quelles seraient les principales missions de votre successeur au sein de votre entreprise pour accélérer ces engagements ?
Je pense qu’il s’agirait de continuer à capitaliser sur notre modèle d’e-commerce. Il s’adresse en effet à tous, acheteurs et vendeurs. Et nous souhaitons proposer à l’ensemble des acteurs du commerce en France de bénéficier de ce modèle-là.
Nous avons lancé l’année dernière le « Club Rakuten Everywhere ». C’est est une extension de notre programme de fidélité. Il a vocation à faire bénéficier plus largement toutes les marques et les enseignes de notre potentiel de digitalisation et de notre communauté d’acheteurs en France et en Europe. Ce programme permet à nos membres de gagner du cash-back Rakuten. Et ce même lorsqu’ils achètent hors de notre plateforme, auprès des 1 500 sites partenaires.
Ainsi, quand on parle de digitalisation inclusive, on pousse le curseur jusqu’au bout en accompagnant les commerçants dans leur digitalisation. Au travers des ventes, bien sûr, mais aussi grâce à un programme de fidélisation dynamique, à un parcours très simple. Aussi grâce à un modèle qui leur permet d’avoir plus de consommateurs. Y compris auprès de ceux qu’ils ont du mal à engager sur leurs canaux historiques, et de générer de la croissance de leurs propres ventes en magasin ou sur leur site d’e-commerce.
Enfin, concernant l’économie de la seconde main. Je pense que mon successeur aura pour mission d’apporter toujours plus de réassurance au client. Car il y a une espèce de dichotomie entre des gens qui sont très impliqués, qui ont une conscience citoyenne développée, mais des comportements d’achats qui sont freinés par des facteurs de crainte, des facteurs de qualité d’expérience lorsqu’ils achètent de la seconde main.
Nous sommes donc en train de réfléchir à des systèmes qui vont nous permettre de garantir une expérience d’achat satisfaisante et sécurisée pour le consommateur. L’objectif étant de se rapprocher le plus possible du niveau de confiance accordé à l’achat d’un produit neuf. Nous avons lancé en septembre dernier, une première initiative, la gamme « reconditionné certifié », avec une garantie de 24 mois. Le citoyen a ainsi le bénéfice prix, et consomme responsable. En allongeant la vie du produit, il contribue à l’économie circulaire. Le consommateur utilisateur, quant à lui, a un niveau de garantie produit est similaire à celui d’un produit neuf.
Et cela démarre très fort. C’est aujourd’hui 70% de nos ventes de téléphones reconditionnés qui déjà générés par cette gamme « reconditionné certifié ». Évidemment, la prochaine étape, celle de mon successeur, serait d’élargir cette offre à d’autres segments de marché, la maison, le bricolage, etc.
7 – Comment doit évoluer votre métier pour être plus responsable ?
Nous en avons déjà beaucoup parlé. Je pense que l’entreprise doit répondre aux défis climatiques, énergétiques, grâce aux innovations majeures que l’on voit émerger. Elles nous permettrons, non pas, de nous tourner vers une forme de repli, mais bien au contraire, de trouver un juste équilibre entre décarboner, être plus vertueux, et continuer le chemin du capitalisme. Il faut en effet créer plus de valeur à la fois pour les consommateurs et les sociétés.
Pour intégrer l’Elysée
8 – Que demanderiez-vous au Président sortant, Emmanuel Macron, avant qu’il quitte l’Elysée ?
Je m’assurerais d’abord qu’il pense bien à me laisser la valise des codes nucléaires !
Plus sérieusement, je fais une fois encore référence à la culture japonaise. L’importance accordée au temps long, à la continuité, à la façon dont l’ancien et le nouveau se complètent, doivent nous emmener à échanger pour installer une transition harmonieuse. Les propositions que je ferais doivent finalement s’insérer aussi dans son action à lui. Je pense que pour réussir la mutation que vous souhaitez mener à bien lorsque vous arrivez à ce poste, il faut maintenir ce lien entre ce qui était avant soi, l’assumer, savoir le valoriser. Tout en sachant expliquer en quoi les éléments de transformation proposés constituent des réponses aux développements futurs. Cet équilibre est très important. Et c’est ce même travail de trait-d’union entre la culture française et la culture japonaise que j’ai fait en arrivant chez Rakuten.
9 – Quel serait le premier engagement de Fabien Versavau Président, pris à l’Elysée ?
De me consacrer à 200% à cette immense responsabilité qui est celle de présider aux destinées d’un pays. Ca c’est une réponse d’homme politique. Plaisanterie mise à part, mon premier engagement serait vraiment de faire à fond ce pour quoi on m’a élu. Et peut-être insuffler à la politique un peu de ce que l’on a fait chez Rakuten. A savoir mixer les modèles et les cultures et créer de la complémentarité entre chacun d’eux. Il y a juste une chose que je ne ferai pas. C’est de recréer une complémentarité entre le neuf et l’occasion !
Donc je ne ferai qu’un seul mandat. Car autant dans le monde de l’entreprise et de la consommation, il faut augmenter le cycle de vie des produits pour réduire leur empreinte écologique, autant en politique, il faut faire exactement l’inverse : interdire le recyclage et ne proposer que du neuf. Et cela vaut autant pour les hommes et les femmes que pour les idées.
10 – Quel objet personnel ramèneriez-vous avec vous à l’Elysée ?
Il y a, sur la porte de mon bureau, un petit blister que j’ai fabriqué moi-même il y a quelques années. Dedans, il y une pilule et un petit papier cartonné. Il y est écrit : « Ceci est une pilule d’optimisme, si vous en manquez, prenez-la avant d’entrer ». Je répète d’ailleurs souvent cette phrase : « L’optimisme est une décision à prendre. Etre optimiste, c’est un acte volontaire ». Donc, si j’entrais à l’Élysée, je mettrais sur la porte de mon bureau, forcément magnifique et imposant, ce petit gimmick qui fait que les gens savent que lorsque l’on se parle, c’est pour trouver des solutions. Je souhaite être dans une posture constructive, collaborative, inventive, qui projette dans le futur. Et non pour recycler des solutions du passé ou se dire que l’action est impossible.
A propos de Fabien Versavau
Fabien Versavau est un expert du digital. Il a aiguisé ses expertises au fil des différentes fonctions exercées chez Ford, Renault, LeGuide.com ou SNCF Voyages International. Il a aussi été Directeur Général de Ticketac.com et Directeur Marketing Digital du Groupe Figaro. C’est en 2016 que Fabien Versavau rejoint Rakuten France. Il est nommé DG après le départ de Olivier Mathiot, cofondateur en 2000 du site Priceminister.