La course omnicanal : comment les constructeurs automobiles gardent une longueur d’avance ?
L’écosystème de l’industrie automobile est devenu plus complexe que jamais. Les clients ne naviguent plus seulement entre voitures neuves et voitures d’occasion, constructeurs automobiles et concessionnaires indépendants. Ils doivent aussi s’engager dans des parcours où le digital prédomine, en quête d’expériences différenciantes qui attiseront leur envie d’achat. Pour maintenir leur avantage concurrentiel, les constructeurs automobiles doivent alors renforcer le parcours client grâce à une logique omnicanal. La preuve qu’ils ont mis en place les bonnes solutions nous est apportée par les excellents résultats des ventes en 2023. Alors comment les constructeurs réussissent-ils ce pari de l’omnicanalité ?
Les concurrents sur la grille de départ
Pour 2023, le groupe Stellantis a annoncé un chiffre d’affaires record de 189,5 milliards d’euros. Soit une hausse de +6% par rapport à 2022. Un résultat qui s’explique en partie par une augmentation des ventes de véhicules : +7% de ventes consolidées par rapport à 2022. Du côté de Renault, les signaux sont aussi au vert. 52 376 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023, soit une hausse de +13,1% par rapport à 2022. Et là encore, on observe une augmentation des ventes de véhicules : +9%. Les constructeurs ne sont pas les seuls à progresser au niveau des ventes. Les grands réseaux de concessionnaires voient aussi leurs résultats décoller. En France, le groupe Jean Rouyer voit son CA progresser de 20% en 2023. Et le groupe Parot atteint une croissance de 11% sur la même période.
Est-ce à dire que la digitalisation du parcours client a épargné l’automobile ? Que la vente de véhicules demeure le pré carré des concessions physiques ? Non, comme en témoignent les 2 milliards d’euros de CA d’Aramis Group, N°1 de la vente de voitures en ligne en France. Ou encore le modèle de distribution choisi par Tesla qui assume un parcours où le digital prime. La stratégie déployée autour de la Citroën AMI illustre aussi ce shift digital. « Une offre clé en main qui se choisit et s’achète en quelques clics. Avec des clients/ambassadeurs qui assurent la visibilité du véhicule et l’incarnent d’une manière plus authentique qu’un discours de marque calibré » expliquait Myriam Verges pour Stellantis.
Et Stellantis va plus loin, avec des ambitions digitales affirmées par Carlos Tavares, son CEO. « Notre objectif est de réaliser un tiers de nos ventes mondiales en ligne d’ici 2030. Et de lancer une marketplace digitale globale permettant aux clients de Stellantis d’accéder en ligne à tous nos produits et services. »
Configurer une voiture en ligne, prendre rendez-vous en ligne pour un essai ou encore l’acheter en ligne est aujourd’hui courant. Au même titre que pour s’informer via des comparateurs en ligne, des avis clients, des vidéos ou des visites virtuelles. Le digital est bien présent, même si ces parcours online ne sont pas encore totalement fluides. Reste aussi à transformer les réseaux retail des constructeurs automobiles grâce au digital pour apporter une véritable proposition de valeur, pour offrir un écosystème omnicanal totalement hybride et intégré. Et ce chantier est déjà à l’œuvre.
Le circuit de l’omnicanalité : l’approche cohérente des constructeurs
Cet effort pour intégrer le digital, ils l’ont déjà opéré pour sécuriser l’expérience client post-achat et ainsi mieux le fidéliser. Des programmes comme MyPeugeot ou MyToyota offrent des espaces qui centralisent les informations du véhicule. Ils se veulent aussi être des facilitateurs pour planifier l’entretien. Et proposent même des options comme le contrôle du véhicule à distance.
Autre indicateur : l’attention portée à la relation client omnicanale. Renault par exemple a misé sur un ensemble de canaux de communication (appels téléphoniques, e-mails, internet, réseaux sociaux et chat) pour consolider cette relation. Et cet engagement s’est vu récompensé. En novembre 2023, Renault a été élu Service Client de l’Année 2024 dans la catégorie constructeur automobile pour la 8e année consécutive.
Désormais, l’enjeu de l’expérience client doit se travailler en amont de l’achat. Il s’agit d’élever le niveau de l’expérience client dans sa globalité pour l’aligner sur la qualité et l’agilité du service client. Pour cela, les constructeurs automobiles renforcent leur écosystème omnicanal. Ils intègrent de nombreuses fonctionnalités comme le drive-to-store, la vente full online, les applications servicielles… Et ce tout en conservant des animations commerciales onsite à l’instar des fameuses journées portes ouvertes.
Brice Renvoize, directeur marketing de Volkswagen retail France, explique que l’enjeu est de « convertir sur nos vitrines digitales qui sont le reflet de nos vitrines physiques« . « Il n’y a pas de frontière, et il faut faire en sorte surtout que la valeur soit transformée dans la conquête de nouveaux clients pour acheter des véhicules, et aussi en fidélisation pour les entretenir. »
Audi aussi investit dans un parcours omnicanal sans couture, stratégie clé pour renforcer sa désirable. Exemple avec le configurateur en ligne créé pour faciliter le choix de son véhicule. Une fois la configuration validée, l’utilisateur génère un code qu’il peut ensuite renseigner chez le concessionnaire. Il peut alors bénéficier d’une présentation 3D à l’aide d’un casque de réalité virtuelle.
Autant d’initiatives omnicanal qui supposent de proposer aussi en ligne un accompagnement sur-mesure pour favoriser la conversion : l’achat du véhicule, la réservation d’un essai, le calcul du montant de reprise d’un ancien véhicule, la prise de rendez-vous en concession, le simulateur de financement en ligne, des options de paiement…
Répondre aux attentes clients sans rester en pilotage automatique
Mais un parcours omnicanal réussi ne repose pas seulement sur des options digitales. En effet, il s’agit avant tout d’adopter une approche customer centric qui anticipe toujours mieux les attentes des clients.
Les exigences de personnalisation, voire l’hyper-personnalisation des interactions s’étendent bien sûr à l’industrie automobile. Alors que l’attention des consommateurs s’effrite, adresser le bon message, à la bonne personne et au bon moment est essentiel pour se différencier. « Les messages et les offres doivent être ciblés, parfaitement alignés sur les besoins individuels du client grâce aux informations collectées et élaborées en continu lors du parcours client » rappelle MotorK. Et l’Intelligence Artificielle y contribuera.
Et le changement qui s’opère est plus global, souligne Brice Renvoize : « Il est clair qu’on doit passer d’une culture produit à une culture client. On a dépensé énormément d’énergie et d’argent à faire venir les gens chez nous, et peut-être qu’ils veulent moins aller en concession, qu’il faut aller à eux avec des nouveaux services. » Dans les faits, Volkswagen va déjà au plus près du client en repensant les points de contact. Par exemple : la possibilité pour le client de recevoir son véhicule chez lui plutôt que de se déplacer en concession.
Cette année, le constructeur Dacia teste également une approche originale pour aller au plus près du client. Pour anticiper l’ouverture des commandes du nouveau Duster, le 12 mars 2024, Dacia a mis en place dès le 6 mars un showroom digital. Grâce à un rendez-vous en visio, un expert Dacia propose un rendez-vous découverte du véhicule au client pendant 30 minutes. Et le format a séduit les clients : avant même l’ouverture du showroom, Dacia avait déjà enregistré plus de 400 rendez-vous.
Un podium gagné d’avance ?
Avec leur stratégie omnicanal, les constructeurs automobiles proposent désormais une expérience client enrichie au-delà de la voiture. Leur modèle, de plus en plus axé sur le service et l’accompagnement du client, favorise la projection sur le long terme. Il ne s’agit plus seulement de convertir au moment de la vente, mais d’envisager l’expérience client sur le temps long.
Dans cette optique, les constructeurs sont encore en phase de test and learn. Renault a lancé en 2023 sa plateforme communautaire PlugInn pour la recharge électrique. Sa particularité : elle sert à mettre en relation les automobilistes et les propriétaires de bornes de recharge. Pour l’instant, l’app reste confidentielle, mais la proposition est là. Surtout, elle permet au constructeur de continuer à occuper le terrain pour le pas abandonner la place à des pure players.