Amazon Haul, Shein, Temu : les bonnes affaires de la fast fashion, mais à quel prix ?
Le lancement d’Amazon Haul marque une nouvelle étape dans la guerre des petits prix. Avec une offre alléchante et des millions de produits sous la barre des 20 dollars, Amazon s’attaque directement à Shein et Temu. Mais à quel coût ? Si cette stratégie capte un public avide de bonnes affaires, elle alimente aussi la tendance à la surconsommation. Et elle fragilise un peu plus la filière de la mode française, déjà mise à mal par la fast fashion. L’enjeu 2025 des marques est donc clair : trouver le moyen de réorienter les attentes des consommateurs vers des comportements d’achats plus responsables.
Noël 2024 : Amazon lance sa nouvelle app Haul
Le 13 novembre dernier, Amazon a dégainé son nouveau joker pour contrer Shein et Temu. L’application Amazon Haul se veut comme une nouvelle expérience de shopping pour aider les internautes à faire des affaires.
Le nerf de la guerre ? Les petits prix. Et en la matière, Amazon Haul affiche la couleur : rien à plus de 20 dollars. Avec un prix de départ à seulement 2,99$. Les autres chiffres présentés par Amazon ont de quoi donner le tournis : plus de 300 millions d’articles disponibles dans plus de 35 catégories (mode, maison, lifestyle et même électronique).
Le petit plus qui est sensé faire la différence ? L’application Haul est adossée à la puissance de sa grande-sœur Amazon. Ce qui implique la garantie Amazon de A à Z (de quoi rassurer les clients) ainsi qu’un service de livraison avec un délai maximum de seulement 2 semaines (alors que les plateformes chinoises affichent parfois d’importants délais de livraison).
Et comme un petit prix mérite quand même de grosses promos, l’application Amazon Haul propose aussi des opérations commerciales calibrées pour séduire les clients avides de bonnes affaires : livraison gratuite dès 25$ d’achats, 10% de réduction dès 75$ d’achats… La cliente n’est quand même pas satisfaite de son achat ? Le retour est gratuit pour toute commande d’un montant minimum de 3$ dans un délai de 15 jours.
Plus de concurrence pour Shein et Temu, mais le perdant est bien français
Seule bonne nouvelle : pour l’instant, l’application Amazon Haul est seulement disponible en version beta aux Etats-Unis. Mais à terme, cette nouvelle offre d’Amazon devrait se déployer en Europe…et venir déstabiliser un peu plus l’écosystème de marques qui doivent déjà faire face aux plateformes chinoises.
Pour rappel, Temu a récemment déclaré avoir enregistré 92 millions d’utilisateurs mensuels en septembre dernier. Et son second marché européen n’est autre que la France, après l’Allemagne. Shein, pour sa part, continue aussi de progresser dans l’hexagone. D’ailleurs au cumul Temu et Shein représentent désormais 22% des colis livrés en France. En 2019, ils représentaient moins de 5%.
De quoi donner des sueurs froides à la filière de la mode en France, qui a perdu 10 000 emplois l’an dernier. Et qui se prépare donc à voir un nouvel adversaire apparaître dans son paysage avec Amazon Haul.
Fast Fashion et petit prix : les consommateurs sont-ils vraiment gagnants ?
Tandis que l’affrontement se prépare entre Shein, Temu et Amazon Haul, une question se pose : le consommateur est-il vraiment le grand gagnant de cette foire d’empoigne ? Certes, il achète des articles à un tarif pour le moins avantageux. Mais quel est le coût réel de cette fast fashion ?
Yann Rivoallan, le président de la Fédération Française du Prêt à Porter Féminin, ne cesse d’alerter sur les dérives de cette nouvelle consommation. Son credo ? Il faut continuer de faire œuvre de pédagogie auprès des clients. Et expliquer, encore et toujours, ce qui se cache derrière les petits prix affriolants. De l’exploitation des ouvriers à l’impact environnemental dramatique, en passant par l’obsolescence de cette mode dont la production menace la santé de ses propres clients (présence de plomb et d’arsenic dans les vêtements) : la réalité n’a plus rien de désirable.
D’après Yann Rivoallan, « la valeur de la mode a été détruite par cette fast fashion ». De fait, le client ne peut plus s’y retrouver. Et l’attrait des petits prix masque une réalité néfaste, encore trop largement méconnue par les consommateurs.
Autre problème de fond : les acteurs de la fast fashion encouragent la surconsommation. Et ils maintiennent la pression sur les consommateurs à grands renforts d’arrivages fréquents ainsi que de nouveautés alignées sur les tendances social media qui font le buzz. Une logique imparable pour séduire des consommateurs inquiets de leur budget, mais qui veulent quand même se faire plaisir.
Le Score Environnemental pour mieux alerter les consommateurs sur la Fast Fashion
Quel est l’élément qui peut tout changer ? Le consommateur, bien sûr. Et c’est justement pour mieux l’informer que le Score Environnemental, prévu par la loi Climat et Résilience de 2021, est né. L’Eco-score permet de noter un vêtement pour mesurer son impact environnemental.
Comme le précise le Ministère de la Transition écologique : « Le dispositif permettra d’informer fabricants et consommateurs, de manière claire et transparente, pour leur permettre de faire leurs choix en connaissance de cause, grâce à l’affichage, sur les produits ou leurs emballages, de points d’impact pour la planète. Les points d’impact sont calculés à partir de 16 critères européens, complétés par 3 critères français qui permettent de prendre en compte la pollution microplastique, les conditions de fin de vie du produit, et la durabilité non-physique (largeur de gamme, incitation à la réparation, traçabilité des étapes de fabrication). »
Son affichage doit donc aider le consommateur de faire un choix éclairé au moment de son achat. Pour l’instant, cet affichage du score n’est pas annoncé comme obligatoire pour marques. Mais pour Yann Rivoallan : « le prix est et restera le meilleur incitateur pour acheter responsable« . Et en la matière, la loi anti fast fashion présentée en mars dernier innove. Elle propose un système de bonus-malus sur un principe simple : faire payer 5€ de plus aux produits dont la conception ne répond pas aux exigences européennes ; et accorder un bonus de 5€ aux marques qui adoptent une conception responsable.
Seule ombre au tableau : la loi doit encore être votée au Sénat pour pouvoir entrer en application en 2025. Il devient vraiment urgent de mieux informer les consommateurs et de valoriser les marques les plus vertueuses pour soutenur la filière de la mode française.
Image : Amazon News