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Le digital au service d’un luxe responsable

Le luxe fait preuve d’une santé de fer. En témoignent les ventes record de 27,895 milliards d’euros en 2022, portées uniquement par LVMH, Hermès et Kering. Malgré ces excellents résultats, l’industrie du luxe doit se préparer à accueillir la prochaine génération de consommateurs, la génération Alpha. Alors que les crises se succèdent et ne se ressemblent pas, le secteur, parfois décrit comme déconnecté des considérations sociales, peut jouer un rôle décisif grâce au numérique. Et si le digital se mettait au service d’un luxe responsable. Tribune de Olivier Lagane, Senior Director Business Value Team, Sprinklr & Stéphanie Barret, Global Head of Luxury, LinkedIn.

Les défis de la « brand equity »

Les consommateurs sont de plus en plus regardants vis-à-vis des marques. L’arrivée des réseaux sociaux a poussé encore plus loin l’accès à l’information tout en lançant l’ère de la conversation entre les clients et les entreprises. Les Maisons de Luxe, tout particulièrement, ont longtemps fait le pari du silence ou du monologue sur les réseaux sociaux, restant ainsi dans leur tour d’ivoire statutaire. Elles sont désormais de plus en plus dans la transparence et l’ouverture. Elles permettent de voir l’envers du décor et ouvrent les portes des ateliers de confection au sens propre comme au figuré. Celles qui aujourd’hui tirent leur épingle du jeu en ligne sont celles qui ont adopté une prise de parole à 360°. Elles s’adressent en toute transparence aussi bien à leurs actionnaires, aux talents actuels et futurs, et évidemment à leurs consommateurs.

A l’heure donc de la transparence accrue induite par les réseaux sociaux, chaque prise de parole, chaque publication est scrutée par les consommateurs. Ils souhaitent s’assurer que les Maisons dont ils achètent les produits ne sont pas en contradiction avec leurs valeurs. Et la transparence elle-même est une de ces valeurs. De fait, les entreprises sont obligées de prendre part à des discussions et des engagements qui vont au-delà de leur sphère première. Se positionner, refléter les attentes des consommateurs, sans tomber dans un schéma de récupération. Et s’inscrire dans l’ère du temps, telles sont les qualités requises pour préserver la Brand Equity d’une marque. Car bien au-delà du seul critère du chiffre d’affaires de l’entreprise, la brand equity représente la valeur d’ensemble d’une marque. Elle se construit sur le long terme. Et l’expérience client proposée par la marque est l’une des composantes qui la détermine. En 2022, la qualité d’un produit ou d’un service importe toujours. Mais les valeurs sociales et sociétales sont désormais au cœur des considérations des citoyens.

Si l’image du luxe a pu se construire, entre autres, à travers le cinéma et les médias plus traditionnels, le digital a radicalement apporté une autre dimension. Les égéries ne sont plus uniquement les top models et les stars du grand écran. Elles sont également des influenceurs qui ont construit leur carrière sur les réseaux sociaux. Cette nouvelle façon de consommer l’imaginaire a redistribué les cartes pour les grandes marques. Pour rester pertinent, il faut publier, interagir avec son audience, écouter et prendre position. Les consommateurs ont aujourd’hui un accès continu aux informations et un pouvoir jusqu’alors inexploité. Celui d’être lui-même influent dans la stratégie des entreprises, même les plus installées.

De nouvelles thématiques et des considérations partagées fédèrent des communautés à travers le monde en quelques clics. De ce fait, le luxe se retrouve dans un entre-deux paradoxal. Celui de continuer de faire rêver tout en étant le plus proche de ses cibles. Certes, les marques doivent réussir à se positionner pour convaincre, fidéliser et attirer les consommateurs. Mais sans oublier que le luxe a toujours voulu être le vecteur d’un plaisir sur la durée, loin du consumérisme effréné. Au vu des considérations écologiques très présentes de nos jours, c’est peut-être aussi sur ce terrain que ces grandes maisons ont tout à parier.

Le luxe : un secteur dual en mutation constante

Si l’arrivée du digital a vu éclore, des oiseaux de mauvais augure pour le monde du luxe, allant même jusqu’à prédire sa mort, force est de constater que ces mauvais présages se sont avérés erronés. Mais là où le luxe oscille dans un paradoxe difficile à concilier, entre philanthropie et exclusivité. Il a aussi une carte à jouer pour rester dans la course, et se réinventer brillamment.

Porter des valeurs chères aux consommateurs, être transparent dans sa communication, prôner la réactivité pour éviter tout scandale, le digital permet aux marques de le faire. A condition qu’elles se décident à utiliser les outils numériques qui se présentent à elle pour conquérir une génération réceptive. On le sait, aujourd’hui les plus jeunes générations peuvent faire et défaire des réputations. Elles sont celles qui porteront la croissance de du luxe pour 2030, selon Bain & Company dans sa dernière étude sur le luxe. Bien plus regardantes sur les questions d’écoresponsabilité, leur appétit pour des biens de qualité ne leur fera pas oublier leurs positions pour des thématiques essentielles comme la planète et l’inclusion. Et quoi de mieux que le pouvoir du digital pour toucher cette génération dès aujourd’hui ? Les ambassadeurs de ces marques via les réseaux sociaux sont le relais idéal pour véhiculer des informations qui seront déterminantes sur la durée.

On assiste à la construction de ce nouvel imaginaire du luxe grâce au digital. En effet, tout y est plus transparent, et les attentes des consommateurs y sont prises en compte. L’image des grandes maisons de luxe est d’ailleurs amenée à évoluer, si ce n’est déjà fait. Lorsque Vogue décide d’éliminer de son nom la tagline « Paris » et de la remplacer par « France », cela n’a rien d’anodin. La « Bible » de la mode et du luxe donne le ton. Celui d’inclure, au-delà d’un cercle encore jusqu’ici fermé et désormais plus accessible, sans pour autant renier son héritage. Elle le fait pour refléter la société actuelle, bien plus mouvante, ouverte sur le monde et libérée de ses barrières. Le luxe doit aujourd’hui aller plus loin pour satisfaire ce désir personnel et inclure les considérations sociétales. Il faut trouver le bon équilibre entre la part de mystère et la transparence, ce sentiment d’exclusivité du luxe et d’ouverture sur la société.

L’alliance du luxe et du digital promet l’écoute active, un dialogue constant avec les communautés pour leur proposer des expériences toujours plus qualitatives. Le secteur se voit plus ouvert et transparent. Cela permettra d’aller plus loin dans la création d’une proximité qui répondra aux attentes d’un public de plus en plus pointilleux, et soucieux du respect des engagements pris.

Image Pexels – le john