La pré-commande, le bonheur des retailers : vers un business model vertueux
On a beaucoup parlé depuis trois ans des modifications dans les tendances de consommation. Des clients en quête de sens veulent adopter une consommation plus responsable au quotidien. Et si certains y voient de nouvelles contraintes pour satisfaire leur clientèle, d’autres aperçoivent de nouvelles opportunités. A l’ère de la consommation responsable et de la loi AGEC, les retailers adoptent à leur tour une logique de production responsable. Et la pré-commande – Proposer des articles à la vente avant même de les produire – s’impose peu à peu comme un business model aux nombreuses vertus. A l’instar du Slip Français, marque iconique de sous-vêtements fabriqués en France, qui veut relever le défi ambitieux de vendre 50 000 slips en pré-commande entre le 14 et 31 juillet 2023. Une opération qui permettra de diviser de moitié le prix d’achat du slip, pour rendre le Made In France accessible à tous.
Les avantages de la pré-commande : un levier « aussi utile qu’efficace »
Et c’est Shopify qui le dit dans son Guide de la pré-commande pour convaincre les vendeurs de leur plateforme de l’utilité de la pré-commande. Selon Shopify, il s’agit bien là d’un levier à ne pas négliger. « Les précommandes n’ont jamais été aussi utiles et efficaces qu’aujourd’hui pour les entreprises en ligne. Elles permettent d’augmenter les ventes et de renforcer la relation client, en transformant une potentielle vente en achat. »
Ainsi, la pré-commande serait une véritable baguette magique de la conversion. Et il est vrai que le concept coche beaucoup de cases parmi les nouvelles tendances de consommation.
Une technique marketing raisonnée
Qui dit pré-commande, dit souvent séries limitées et petites quantités. De quoi susciter auprès des consommateurs un sentiment d’exclusivité et de rareté, qui peut générer de la surconsommation. Un levier souvent activé dans la drop-culture, qui sait multiplier les nouvelles collections qui affolent leurs consommateurs. A contrario, la pré-commande se veut plus responsable, cultivant certes l’exclusivité sans pour autant tomber dans cette sur-consommation. Moins de stocks, moins d’invendus, moins de soldes pour un achat plus raisonné. L’achat en différé s’opposant ainsi au calendrier frénétique de la fast-fashion. Il redonne un peu de temps long dans le parcours d’achat, pour tendre vers une slow-fashion.
Une alternative éco-responsable
La pré-commande se veut donc plus responsable. Elle fait écho avec les préoccupations sociétales des clients et devient un véritable argument de vente. En lançant la fabrication de ses produits seulement après leur commande, les marques peuvent :
- minimiser leur stock, voire tendre vers du zéro-stock, et ainsi réduire leurs coûts
- éviter le gaspillage. Quand on sait que 10% d’une collection passe en invendue, c’est autant de marge perdue qu’il faut réduire
- limiter le nombre de retours puisque l’achat aura été réfléchi
La pré-commande est donc un bon moyen pour les retailers de démontrer efficacement qu’ils ont compris les attentes de leurs clients. Et qu’ils partagent leurs valeurs.
Une méthode de vente qui parle à la Gen Z, grande habituée de la pré-commande
Les valeurs sont justement au centre des préoccupations d’achat de la jeune clientèle. Si la pré-commande est un mode de consommation relativement récent pour le grand public, il n’a pourtant rien de nouveau pour les millenials et la génération Z. Car depuis longtemps déjà, l’univers du gaming fonctionne à grand renfort de pré-commandes pour attiser le buzz autour de la sortie des dernières consoles et jeux vidéo. Dernier en date, le jeu Marvel’s Spider-Man 2 pour PS5 déjà proposé en pré-commande pour une disponibilité au 20 octobre 2023.
Les projets de financements participatifs de type Ulule ont également joué un rôle. Ils ont popularisé le principe de la pré-commande. Et les nouvelles générations n’ont aucun problème avec le fait de payer d’avance un article qui ne leur sera livré que dans quelques mois. L’attente n’est plus un frein dans le parcours client, ce qui change radicalement la donne en matière de modèle de vente.
Le renouvellement des générations de consommateurs offre donc un contexte favorable à la démocratisation de la pré-commande. Mais pour l’instant, la pré-commande se déploie surtout chez les e-commerçants dans le luxe, l’habillement, qui voient là un moyen de se démarquer en proposant un modèle de vente en rupture avec le commerce classique.
Un modèle de vente qui requiert la confiance du client
Bien sûr, acheter un produit qui n’existe pas et qui sera livré quelques mois plus tard suppose de faire confiance à la marque. La pré-commande repose donc sur cette relation de confiance savamment tissée au préalable avec le client. Pour ce faire, au-delà des mécaniques CRM et des traditionnels programmes de fidélité, la marque peut impliquer le consommateur à créer avec elle les futures collections.
Chez Asphalte par exemple, les clients sont sollicités avant la création d’une collection pour savoir de quoi ils ont envie. Le e-commerçant dispose d’un onglet dédié à la co-création sur son site. Et il invite sa clientèle à répondre au questionnaire dont dépendra la production de la prochaine collection, proposée en pré-commande. L’enseigne se place ainsi dans une logique participative. Un bon levier pour consolider le lien entre le retailer et sa clientèle.
Le cas Promod : les bonnes raisons d’adopter la pré-commande
En France, l’enseigne qui jouit actuellement de la plus grande expérience en matière de pré-commande dans le retail est… Promod ! Bien connue des fans de shopping, l’enseigne de retail s’est lancée il y a déjà quatre ans. Dès 2019, elle a initié le projet You Make Promod pour tester le potentiel de la pré-commande. Le concept est simple : proposer un article en pré-commande sur son site web et pour une durée définie, valider toutes les commandes puis livrer l’article en 6 à 8 semaines.
Quels enseignements le retailer tire-t-il de cette stratégie ? D’après Julien Pollet, le président de Promod, la production à la demande fait mouche. « Nous ne fabriquons que ce qui est commandé – c’est quasiment de l’exclusif -, il n’y a ni perte, ni surstock. Et malgré un prix un peu plus élevé, ça fonctionne bien auprès des clientes. » Encore mieux : depuis le lancement des pré-commandes, l’enseigne a diminué sa quantité d’invendus de moitié et amélioré sa marge. Une belle performance pour améliorer l’impact environnemental de l’enseigne.
Photo de Zoltan Nemes-Nagy