Emoticônes & Emojis, des marqueurs d’émotions
Les émoticônes et emojis font aujourd’hui partie du langage commun. Ils ont fleuri dans les discussions en famille, entre amis et dans les communications des marques. Cependant peu d’entre nous se sont penchés sur la question de leur origine, leur symbolique et leur capacité à émouvoir. Voyage dans l’univers particulier des émoticônes et des émojis avec Pierre Halté. Le temps d’un entretien « out of the box » que nous avons réalisé lors du Social Media Breakfast 2021 Hootsuite.
Pierre Halté est Docteur en Sciences du Langage, chercheur Post-Doctoral au CNRS, Maitre de conférence à l’Université Paris Descartes, et auteur du livre « Les émoticônes et les interjections dans le tchat ».
Un peu d’histoire
Un sourire, un éclat de rire, un pouce baissé… qui n’a pas complété ses posts d’un émoticône ou d’un émoji pour appuyer ses propos écrits ? Depuis les années 80, le langage écrit véhiculé par internet, s’est enrichi de petits signes typographiques représentant en général un visage. Créés à loisir en combinant les différentes touches du clavier (ponctuation et alphabet), ces émoticônes, occidentaux ou orientaux, indiquent les émotions de celui qui interagit. Avec un degré de schématisation fort. C’est à la fin des années 90 qu’apparaissent les émojis, tels que nous les connaissons aujourd’hui. Des pictogrammes qui ont les mêmes fonctions que les émoticônes. L’opérateur japonais NTT Docomo créera en 1999 la première banque d’émojis, de véritables petits dessins beaucoup plus figuratifs. Depuis, c’est le Consortium Unicode, réunissant de grands acteurs comme Google, Facebook, Apple, IBM ou Adobe qui décide d’intégrer de nouveaux emojis dans la banque d’images. Adoptés par toutes les générations, émoticônes et émojis sont aujourd’hui utilisés de façon quasi similaire. Les émojis n’ayant pas en effet été remplacés par les émoticônes, contrairement à ce que l’on croit.
Emoticônes & Emojis, des indicateurs d’émotions
Dans une communication verbale en face à face, le corps contribue à fabriquer le sens de ce qui est dit. Le corps est le lieu de signification de l’émotion. Les mimiques du visage, les gestes des mains… ne font certes pas partie de la langue verbale, mais la complètent incontestablement. Avec le digital, la communication s’étend à l’écrit, sans face à face, tout en restant synchrone dans une temporalité simultanée. Sauf que le corps disparait, le corps de l’autre ne pouvant plus aider à comprendre ce qu’il veut nous dire. Les émoticônes et emojis viennent alors combler ce manque. Ils donnent à l’autre à lire directement l’émotion grâce à une mise en scène de la représentation du corps. Bien sûr l’émoji n’aura pas la même puissance s’il n’est pas associé à des mots écrits. Sans les mots peur ou joie par exemple, un emoji ne pourra se suffire à lui même pour traduire ces émotions. D’autant plus que selon l’âge, ou la culture, son interprétation n’est pas toujours stabilisée. Et qu’il n’est pas perçu et reçu de la même manière s’il est utilisé par une marque ou un individu. Il doit donc être utilisé à bon escient.
La communication déjà hybride par nature (enrichie par le corps, les intonations), cohabite aujourd’hui avec l’image, le son, l’écriture… Plus la communication se fera en milieu numérique, plus cette hybridation se renforcera. Et avec l’avènement des écrans, l’image et le visuel prendront de plus en plus d’importance dans la communication. En témoigne le shift des investissements offline vers le digital.
Pour autant la communication visuelle ne se substituera pas à la communication verbale. L’expression de la temporalité, pouvoir parler au passé, au futur, l’expression des pronoms (je, tu…), ne fonctionnent que grâce à la langue verbale. Un émoji ne peut être par exemple conjugué au futur. Associer à ces expressions des émotions véhiculées par des images est très difficile. La communication verbale reste alors indispensable pour communiquer et partager des émotions.