Federica Roux, Galeries Lafayette (BHBGL) « L’omnicanalité est une priorité pour notre business »
Entretien avec Féderica Roux, Directrice Digital, Marketing & Communication de la Branche Horlogerie et Bijouterie (BHBGL) des Galeries Lafayette sur l’accélération vers l’omnicanalité pour un commerce résolument unifié.
Comment a évolué l’activité de la branche horlogère bijouterie joaillerie des Galeries Lafayette pendant la crise ?
Nous sommes dans un secteur horlogère bijouterie joaillerie où la part du commerce en ligne est inférieure aux autres secteurs. C’est spécifique au secteur. D’abord parce que le détaillant classique de petite taille est rarement présent en ligne. Puis parce que le client a encore envie de voir, d’essayer, de toucher le produit, d’être conseillé en magasin. Il demande aussi à être rassuré. En 2019, pour les montres, 8,5% des ventes se sont faites online (pure players comme Amazon compris). Pourtant le confinement nous a montré qu’il y a encore beaucoup de parts de marché à prendre.
Nous avons en effet observé sur cette période un bond des ventes online avec une croissance à 2 chiffres. Les réseaux sociaux ont largement contribué à toucher une nouveau bassin d’acheteurs et à accroître l’activité e-commerce. Avec le Dark Social (messageries), ils ont vraiment démontré leur capacité à dépasser le volet inspirationnel. Ils sont devenus de vrais leviers de déclenchement d’achat et de génération de trafic online. Nous avons ainsi capté de nouveaux clients qui n’avaient jamais franchi le pas e-commerce avant. Et nos études montrent que le consommateur web n’a pas cessé de croître avec le déconfinement, et qu’il restera surement fidèle. Encore plus avec le renforcement de la complémentarité avec le physique. Le e-commerce donne la visibilité à l’enseigne et infine vend, mais l’expérience en magasin, le conseil, l’essayage, l’immersion dans une marque, le service… sont clés pour compléter l’expérience et convertir, offline ou online. Il n’y a donc pas de débat entre le online ou le offline. C’est la complémentarité des 2 qui permet d’attirer le client et le fidéliser.
Vous avez accéléré pendant le confinement votre transformation opérationnelle pour construire un écosystème omnicanal sain et durable. Quels sont les contours de cette transformation ?
La Branche BHBGL a pour mission de porter les activités commerciales des enseignes Louis Pion et Galeries Lafayette Royal Quartz sur les segments « accessible et luxe ». Elle est aussi la plateforme d’achat du produit montres et bijoux pour le Groupe. Au sein de notre business unit, nous avons pu garder une certaine indépendance vis-à-vis du Groupe, ce qui nous a permis de conserver, entre autres, une architecture IT qui nous est propre. Le site e-commerce louispion.fr bénéficie déjà de nombreux dispositifs omnicommerce depuis plusieurs années : e-réservation, ship from store, prise de rendez-vous, tablette vendeur pour vente sur stock central, marketplace sur des sites du groupe GL…
Mais nous avons aussi un passé de travail en silo. Avec des fonctionnalités branchées au fil de leur intégration sans une vision globale, et un système de flux non fluide. Et notre site e-commerce créé en 2013 reposait sur la plateforme Magento 1, qui depuis le mois dernier, n’est plus supportée par l’éditeur. Nous avons alors saisi cette opportunité pour opérer une refonte totale de la plateforme plutôt qu’une simple migration vers Magento 2. Nous avons donc lancé un projet de commerce unifié qui nous a donné l’opportunité de remettre à plat l’architecture IT et le système de flux, d’unifier les plateformes. Nos outils marketing et autres briques technologiques qui nous fournissent un accès facile à la data, de l’information fraîche à tout moment et des gains d’efficacité, y seront aussi intégrés.
L’audit et le cadrage que nous avions menés l’année dernière nous ont donc conduits à proposer une trajectoire d’évolution vers une plateforme de “commerce unifié”. Elle nous permet de lever les pain points liés au travail en silo entre les différents départements, et de nous transformer en une entreprise customer centric et data centric. D’autant plus que le département marketing, dépositaire de la connaissance client et responsable des activités e-commerce sur le site ainsi que sur les marketplaces du Groupe, a la chance d’avoir un rôle moteur dans ce process d’innovation.
Pendant le confinement, nous avons avancé sur notre roadmap. Nous avons finalisé notre cahier des charges et les appels d’offres pour nous orienter vers une architecture IT omnicanal reposant essentiellement sur 3 briques technologiques : OMS (Order Management System) pour garantir la mise en oeuvre opérationnelle de la promesse client, PIM (Product Information Manager) pour enrichir la data produits, aussi d’un point de vue marketing et la plateforme e-commerce Magento 2. Avec la volonté de disposer de ce nouvel écosystème de commerce unifié au printemps 2021.
Cette promesse d’omnicanalité sera complètement réussie si elle s’accompagne d’un change management en profondeur. Quel sera-t-il ?
La transformation des collaborateurs est aussi importante que la transformation des technologies pour réussir la transformation omnicanal. Qu’ils soient au siège ou dans le réseau, les collaborateurs peuvent se sentir menacés par le e-commerce. Ils ont besoin de plusieurs « set » :
- Mindset : les évolutions qui nous font passer d’un commerce historique multicanal à un vrai commerce omnicanal constituent une révolution culturelle pour nous tous, collaborateurs de l’entreprise. C’est un véritable changement de culture.
- Skillset : former les collaborateurs et les doter de nouvelles compétences adaptés aux nouveaux outils omnicanaux avancés.
- Toolset : mise à disposition de ces outils pour que cette transformation ait un impact réel sur leur activité.
Construire notre “Commerce Unifié” ne peut se faire sans les collaborateurs, c’est aussi pour cela que le comité de pilotage réunit les directeurs Marketing, IT et Ressources Humaines et que les représentants de tous les départements sont impliqués dans le projet.